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Les sanctions européennes et la Russie en 2024 : produits pétroliers, aviation, métaux

Dec 27, 2024

Depuis l’attaque de l’Ukraine par la Russie en 2022, l’Union européenne a déployé un arsenal de sanctions économiques destinées à affaiblir l’économie russe et limiter sa capacité à financer la guerre. Pourtant, malgré des mois de pressions diplomatiques et économiques, il apparaît que ces mesures ont créé un véritable jeu de dupes.

En surface, les sanctions semblent se multiplier, visant à couper les ponts entre l’Europe et la Russie. Mais dans les coulisses, des réseaux complexes et des stratégies de contournement permettent à Moscou de maintenir une partie de ses échanges commerciaux essentiels, notamment dans des secteurs clés comme les produits pétroliers, l’aéronautique et les métaux.

Ce "business en back-office", camouflé sous des pavillons de complaisance et des transactions via des sociétés-écrans, montre que les sanctions, bien qu’elles aient un impact, sont loin d’être aussi efficaces qu'elles le pourraient. En effet, loin d'arrêter'économie russe, elles ont simplement redéfini les itinéraires commerciaux, transformant un système globalement transparent en un labyrinthe opaque, où les règles sont contournées sans qu’elles n’en paraissent modifiées. Des leçons en seront-elles tirées ?

I. Le pétrole et les produits pétroliers : l’exemple le plus frappant

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les sanctions européennes ont visé à réduire drastiquement les revenus de la Russie provenant de ses exportations énergétiques. Cependant, en avril 2023, les exportations pétrolières russes ont atteint un sommet de 8,3 millions de barils par jour, générant près de 15 milliards de dollars mensuels.

Les failles dans l’embargo sur le pétrole

Une enquête d’Ukrainska Pravda a révélé que, malgré les sanctions, des millions de barils de pétrole russe continuent d’affluer dans l’UE, notamment via des navires battant pavillon du Libéria et du Panama. Les ports stratégiques impliqués sont Constanța et Midia en Roumanie, ainsi que Varna et Burgas en Bulgarie. En 2022, malgré les sanctions, l’UE a dépensé environ 140 milliards d’euros pour l’importation de pétrole et de gaz russes. En novembre 2024, des navires comme le "Lipari" et le "Sredina" ont transporté 160 000 tonnes de brut léger depuis le port de Novorossiysk jusqu’aux ports européens. La Bulgarie, bénéficiant d’une exemption pour le raffinage du pétrole russe, a traité près de 5 millions de tonnes de pétrole en 2023, générant près d’un milliard d’euros en recettes fiscales pour la Russie.

La « dark fleet » et les réseaux opaques

Un autre élément clé est le rôle de la « dark fleet », une flotte de navires anonymes, enregistrés sous des pavillons de complaisance, qui transportent du pétrole russe vers des destinations mondiales. Ces navires, souvent acquis sur le marché secondaire par des armateurs utilisant des sociétés offshore ou des structures opaques, permettent à la Russie de maintenir ses exportations tout en dissimulant l'origine des cargaisons. Chaque mois, des millions de barils transitent grâce à ces stratégies.

Les chiffres clés

En 2023, environ 15 % des exportations totales de pétrole russe ont été réalisées via des routes indirectes, principalement par des pays tiers comme la Turquie et l’Inde. Ces chiffres incluent les exportations réexportées sous forme de produits raffinés, tels que le diesel ou d’autres produits énergétiques, redistribués vers l’Europe. Par exemple, la Turquie a augmenté ses importations de brut russe de 45 %, une partie étant raffinée et réexportée.

II. Les avions et les composants aéronautiques

La dépendance de la Russie aux pièces européennes

Malgré les sanctions interdisant l’exportation de matériaux aéronautiques, la Russie parvient à maintenir une partie de son parc aérien grâce à des réseaux de contournement. Une partie des composants nécessaires à l’entretien des avions, notamment les pièces détachées pour Airbus et Boeing, est achetée via des intermédiaires basés en Asie centrale ou au Moyen-Orient. Cependant, la lenteur du programme national de construction d’avions aggrave la situation : en 2024, le nombre d'accidents aériens a augmenté de 30 %. Cette dépendance croissante rend les pièces détachées indispensables, et le contournement des sanctions dans ce domaine va s’intensifier.

Les exemples concrets

En 2023, des entreprises basées au Kazakhstan ont augmenté de 30 % leurs importations de composants aéronautiques européens. Une partie de ces pièces, destinées initialement à des marchés régionaux, est ensuite revendues à la Russie. Parallèlement, les Émirats arabes unis se sont affirmés comme un hub stratégique pour le commerce de ces composants, facilitant leur transit vers Moscou grâce à un réseau d’intermédiaires bien organisés.

III. Les métaux stratégiques : un commerce vital pour la Russie

L’importance des métaux dans l’économie russe

Les métaux comme l’aluminium et le nickel représentent une source essentielle de revenus pour la Russie, malgré les sanctions qui visent à limiter leur exportation. Ces produits continuent de circuler sur les marchés internationaux grâce à des circuits alternatifs et à des intermédiaires bien établis.

Les réseaux de contournement

En 2023, la Chine a augmenté ses importations d’aluminium russe de 50 %, avant d’en réexporter une partie sous forme de produits finis vers l’Europe. Par ailleurs, des entreprises basées en Turquie ont vu leurs exportations de nickel vers l’Europe croître de 40 % en un an, grâce à des mécanismes complexes impliquant des acteurs russes et des hubs logistiques stratégiques.

Les chiffres clés

Environ 30 % des importations européennes d’aluminium proviennent indirectement de Russie. Le nickel russe reste également une composante clé dans 15 % des batteries produites en Europe, soulignant la dépendance de certains secteurs stratégiques aux matières premières russes, malgré les efforts pour diversifier les approvisionnements.

Les défis de l’application des sanctions

Les mesures récentes, telles que le 15e paquet de sanctions adopté en décembre 2024, introduisent plusieurs mécanismes clés pour limiter les réexportations via des pays tiers. Parmi ces mesures, la clause "No re-export to Russia" interdit explicitement la réexportation de biens vers la Russie, en particulier ceux en provenance de pays tiers. Cette disposition vise à empêcher que des produits stratégiques fabriqués dans l'UE ne finissent par arriver en Russie après être passés par des intermédiaires, comme la Turquie ou les Émirats arabes unis. Le paquet inclut également des obligations de due diligence renforcées pour les entreprises européennes, les obligeant à vérifier soigneusement les destinations finales de leurs exportations. Ces mesures sont particulièrement cruciales pour les secteurs à double usage (civils et militaires), où les composants à destination civile peuvent facilement être détournés pour des fins militaires.

Les sanctions adoptées dans ce paquet incluent également des amendements à la réglementation 833/2014, qui régit les sanctions sectorielles, afin de mieux protéger les entreprises de l'UE contre les actions légales en Russie, et d'augmenter les contrôles sur les réexportations de produits stratégiques à travers des pays tiers. Le paquet renforce aussi les mesures concernant les métaux russes, en réponse à la demande croissante de certains États membres comme la Pologne et les pays baltes, qui ont appelé à un renforcement des restrictions sur les exportations de métaux, tels que l'aluminium et le nickel, afin de réduire davantage les revenus de Moscou.

Les sanctions européennes visent à affaiblir la capacité de la Russie à financer son effort de guerre. Toutefois, comme le montrent les exemples dans les secteurs du pétrole, de l’aéronautique et des métaux, les réseaux de contournement restent solides. Des pays tiers comme la Chine, la Turquie, l’Inde et les Émirats arabes unis jouent un rôle central dans la redistribution des ressources russes vers les marchés européens et de nouveaux acteurs se décomplexent et ne cessent de se joindre à cette partie de cache-cache.

26 décembre 2024.
Un article spontané de Marguerite, sur X: https://x.com/margueritetruth

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