Comprendre la Chine moderne avec l'hérit ...

Comprendre la Chine moderne avec l'héritage d'Alvarez Semedo - Chap. 5

Mar 11, 2024

Chapitre 5

Comment s'habille-t-on ?

Les matériaux principaux utilisés par les Chinois pour confectionner leurs vêtements, couvertures, et autres éléments de décoration intérieure incluent la laine, le chanvre, et le coton. Toutefois, contrairement à ce qu'on pourrait attendre, ils ne disposent pas de lin. Bien avant notre ère, ils adoptaient des manches très courtes pour leurs tuniques, une tradition encore observée par les Japonais aujourd'hui, qui la perpétuent comme témoignage de leur héritage culturel. Cette mode vestimentaire persista jusqu'au règne de Hoan, il y a environ quatre siècles, un dirigeant majeur et respecté de Chine. Sous son influence, la population et les fonctionnaires ont adopté le style vestimentaire actuel, uniforme à travers les vastes provinces du pays. Ce code vestimentaire reste inchangé, sauf sur ordre express du souverain, soulignant ainsi l'importance de la stabilité des coutumes et des traditions. Cela reflète une prise de conscience, même parmi les communautés dites "barbares", que modifier les us et coutumes selon les influences étrangères peut préfigurer une remise en question des lois fondamentales sur lesquelles repose la société, une leçon qui pourrait trouver écho dans nos propres cultures.

La robe, vêtement traditionnel spécifique aux érudits et aux personnes de rang, portée depuis des siècles, va du cou aux talons et est ouverte sur le devant de haut en bas. Ils portent en dessous une seconde robe plus ajustée et collée au corps, tandis que celle du dessus est large et flottante, avec des extrémités qui se chevauchent sur le devant, en raison de l'absence de boutons, évoquant les grandes robes de nos ecclésiastiques. Les manches, larges et pendantes, sont sans ornements. Pour le col, ils utilisent une bande de taffetas blanc de la longueur d'une main, qu'ils remplacent quand elle est sale.

Les jeunes hommes portent sans distinction des vêtements de toutes les couleurs, tandis que les personnes âgées préfèrent des tons plus sobres ; la majorité des gens choisit le noir, une couleur uniformément adoptée par les serviteurs qui n'oseraient pas en choisir d'autres. Ceux ayant des fonctions officielles ou ayant eu des responsabilités gouvernementales optent pour un rouge vif lors des grandes cérémonies.

Les individus aisés renouvellent leur garde-robe à chaque saison, et même les personnes de condition modeste, malgré leur pauvreté, changent de vêtements au moins deux fois par an, en hiver et en été. Cette pratique peut les amener à devoir temporairement échanger ou vendre leur tenue d'une saison afin de financer l'acquisition de celle de la saison suivante.

Abordons maintenant leurs chapeaux, élément clé de leur élégance : les jeunes de moins de dix-sept ans les portent avec un bord court d'un côté et plus large de l'autre, qu'ils relèvent et fixent au sommet de la tête. Passé cet âge, ils délaissent le chapeau pour un petit filet fait de crins de cheval, semblable à nos calottes mais confectionné de manière si habile que tous les fils se rejoignent à l'intérieur, sans qu'aucun ne dépasse à l'extérieur. Les érudits coiffent par-dessus un bonnet carré, et le peuple un bonnet rond, tous deux en soie ou du même matériau que leur filet, ce dernier étant le plus difficile à réaliser et donc le plus coûteux. Ces bonnets sont soit noirs, soit de la couleur naturelle de la laine, un gris bure comme porté en hiver. La première fois qu'ils posent le filet sur leur tête, ils respectent presque les mêmes rituels et solennités que les chevaliers d'antan lors de la cérémonie d'adoubement.

Les riches portent des chaussures de soie de couleurs variées, et les moins fortunés du coton. Leur forme, différente de la nôtre, est embellie par de délicates broderies. Le cuir est rarement utilisé, sauf parfois pour les semelles. Les plus distingués et aisés portent des bas de damas, satin ou d'une autre soie blanche, tandis que les autres préfèrent le coton blanc. Les caleçons sont portés tant par les hommes que par les femmes. Voici, en essence, l'habillement d'un royaume aussi vaste que toute l'Europe, dont la mode est si changeante qu'elle peine à maintenir les mêmes tendances même brièvement au sein d'une seule province.

Pour les femmes, l'habillement se compose d'une longue robe, le plus souvent en soie, boutonnée jusqu'au cou avec modestie. Elles mettent un point d'honneur, comme c'est le cas partout ailleurs, à soigner leur coiffure et à orner leurs cheveux de fleurs, à la fois naturelles et artificielles. Cette parure, par sa diversité de couleurs et de formes et par son imitation si réussie de la nature, est souvent si convaincante qu'elle peut tromper le regard, rappelant les œuvres de ces célèbres peintres dont les tableaux trompaient oiseaux et hommes par une imitation si parfaite de raisins ou de rideaux.

Les dames de distinction se parent de coiffures ornées d'or et d'argent, un privilège qui n'est pas accordé aux femmes de mauvaise réputation, quelle que soit leur condition. Ces dernières, pour se différencier, n'ont pas le droit de décorer leur tête de tels ornements, à l'inverse des usages dans d'autres pays, et ne peuvent posséder de demeure à l'intérieur des murs de la ville. Leur tenue intérieure est similaire à celle des hommes. Cependant, la petitesse de leurs souliers peut surprendre, laissant penser qu'ils ne sont pas destinés aux pieds d'un adulte. Cette particularité s'explique par la tradition de bander étroitement les pieds dès l'enfance pour en limiter la croissance. Contrairement à une idée reçue, cette pratique n'a pas pour but de restreindre la liberté de mouvement des femmes mais repose sur la croyance qu'un petit pied est un attribut de beauté féminine. Certains y voient l'influence d'une ancienne reine aux pieds mal formés, qui, en les bandant avec de fines étoffes, cherchait à améliorer leur apparence et à corriger les imperfections naturelles.

Ce que cette princesse a accompli par nécessité, si l'on peut vraiment parler de nécessité lorsqu'il s'agit de modifier ce que la nature a façonné, et de corriger des pieds qui, malgré leurs imperfections, sont fonctionnels, a été imité par d'autres dames par désir de distinction. Il est essentiel que les princes n'adoptent pas les choses nouvelles qui sont ridicules, en faisant ainsi la promotion.

Les seuls serviteurs autorisés à les assister de près sont des enfants, et même les parents, à l'exception des plus jeunes fils du mari, n'ont pas le droit d'entrer dans leurs chambres, y compris le beau-père. Cette règle est si strictement appliquée qu'un fils, pour éviter une réprimande de son père (les pères conservant une autorité absolue sur leurs enfants, même après leur mariage, et gardant le droit de les discipliner), n'a qu'à se réfugier rapidement dans la chambre de sa femme, un sanctuaire que le père n'ose violer.

Lorsqu'elles doivent rendre visite dans la maison de leur père pour des obligations familiales, elles y sont transportées dans des palanquins fermés. Pour les rites religieux nécessitant un déplacement à pied vers les temples, elles se couvrent le visage ; et lorsqu'elles prennent un bateau avec leurs proches pour un pèlerinage, comme j'ai pu le voir une fois avec plus de deux cents femmes, elles embarquent silencieusement, l'une après l'autre. La moindre interaction sociale avec des hommes est considérée comme un risque pour leur réputation. Cette retraite, aussi contraignante qu'elle puisse paraître, devient plus supportable avec le temps, grâce à l'habitude. Elle sert à préserver l'honneur des femmes et maintient la paix et l'harmonie au sein des familles.

Cependant, dans un pays aussi vaste que la Chine, il est inévitable que le mode de vie des femmes varie quelque peu : dans certaines régions, les femmes du peuple jouissent d'une liberté de mouvement similaire à celle observée chez nous, leur permettant de sortir et de circuler librement. Néanmoins, les femmes de la haute société maintiennent partout une tradition de discrétion et vivent généralement très retirées.

Fin du chapitre 5

à suivre...

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Table des matières :

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Lire le chapitre 3 : buymeacoffee.com/Marguerite/comprendre-la-chine-moderne-avec-l-hritage-d-alvarez-semedo-chap-3

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Lire chapitre 6 : buymeacoffee.com/Marguerite/comprendre-la-chine-moderne-avec-l-hritage-d-alvarez-semedo-chap-6

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