Cher Journal,
"Vous pouvez vous lever, Madame" qu'elle m'a dit la gentille personne. C'est que je serais bien restée assise là. J'avais mon livre. Je devais patienter 15 minutes après ma 3e dose de vaccin (peut-être la bonne, qui sait?), pour vérifier que je ne vivrais pas un choc vagal ou autre action du genre...
Faut dire qu'on vit tellement pas grand chose ces temps-ci, encabanés pendant une pandémie avec -20 dehors, que c'est vrai qu'on pourrait presque s'évanouir de voir autant de monde au centre de vaccination! As-tu déjà vu la façade toute bariolée de couleurs du Palais des Congrès? Y a de quoi tomber dans les pommes drette là quand ça fait un bout que tu ne vois que le mur blanc de ton salon. Sans parler que si les ampoules des lettres "grès" de l'insigne lumineuse du Palais des congrès venaient à s'éteindre, ça serait le "Palais des con" qui trônerait en grand en haut du bâtiment. Est-ce qu'on s'en remettrait? Je te répète qu'on ne vit pas grand chose! Comme le "O" du bar "La petite boîte" dans Rosemont, qui, on se le souhaite ne rendra jamais l'âme...
N'empêche que j'en suis là, à chiller 15 minutes sur une chaise tout en lisant Maya Angelou, en me disant, bah, ça me fait une sortie. C'est ce que je maîtrise mieux qu'au premier confinement. Je comprends bien, BIEN, l'importance de m'accorder des moments où personne me parle pour conserver ma santé mentale. Dès que mon mari rentre de l'hôpital, généralement je m'enfuis. Genre une demi-heure, n'importe où, marcher, me faire vacciner: vivre!
Maya dans le livre que je lis "I know why the caged bird sings" raconte la vie de San Francisco pendant la 2e guerre mondiale. Les alertes de potentiels raids aériens, et les exercices de sécurité que l'on lui faisait faire à l'école, dit-elle, lui donnait un sentiment d'appartenance. Pour la première fois de sa vie, elle sentait faire partie de quelque chose. Tu me diras que c'est triste de trouver une partie de son identité dans une crise. Mais c'est un peu toujours comme ça.
Je lis des vieux journaux ces temps-ci, sur le site de la grande bibliothèque nationale, je lis ceux de 1918 même parfois, pour voir comment c'était à Montréal pendant la grippe espagnole. Et en revisitant le passé, tu te rends vite compte que l'on passe généralement et souvent d'un drame à l'autre. La vie, c'est comme l'écriture de Maya Angelou: It's joyous and painful.